Auto-photographies devant le tableau de Georges de La Tour.

L’art est sur e-Moi,Je. Mimer les gestes pour comprendre une œuvre.

Je me suis auto-photographiée, à l’aide de la fonction retardateur de mon appareil, devant Le nouveau-né de Georges de la Tour. Pour comprendre le sens de ce tableau par immersion, j’ai mimé les postures des deux femmes encadrant l’enfant. Ce peintre lorrain du 17ème siècle, est considéré comme l'un des « grands maîtres des nuits », et cette toile, attribué à tort à un autre jusqu’en 1915, est son chef-d’œuvre(1). Il est un tableau emblématique de la collection permanente du musée des Beaux-Arts de Rennes.

La plupart des historiens de l’art s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’une représentation d’un thème religieux, probablement célébrant la naissance de "l’enfant divin". Le traitement de l’ombre et de la lumière, et la sérénité apparente des visages des deux femmes laisse penser que l’auteur a voulu effectivement figurer un moment de recueillement heureux. Pourtant, à bien y regarder, il m’a toujours semblé que ce nouveau-né au teint de cire était mal en point.

La scène évoque plutôt, selon moi, un rite de veillée pré-funéraire, la bénédiction par une sage-femme-sorcière, d’un enfant malade, à l’article de la mort. En effet, à l’époque de Georges de la Tour, observateur attentif de la réalité quotidienne, les décès infantiles étaient fréquents. Tout en étant culturellement très éprouvés par ces pertes, les parents devaient certainement être habitués à cette éventualité tragique(2). Suivant cette même idée, même si je sais que, comme continuent à le faire certaines populations dans le monde, les bébés européens de l’époque étaient ainsi emmaillotés, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement entre son petit corps recouvert de bandelettes et celui de la momie d’enfant photographiée ce même jour de septembre 2019 dans ce musée.

1. Jean-Pierre Cuzin et Dimitri Salmon, Georges de La Tour, Histoire d’une redécouverte, Gallimard, Réunion Des Musées Nationaux, 1997.

2. Marie-France Morel, « La mort d’un bébé au fil de l’histoire », Spirale, 2004/3 (no 31), p. 15-34. https://www.cairn.info/revue-spirale-2004-3-page-15.htm